Réglementaire
L’épargne salariale au cœur du partage de la valeur

Sous l’impulsion du gouvernement, les organisations syndicales salariales et patronales se sont réunies pendant plusieurs semaines pour réfléchir sur le partage de la valeur au sein des entreprises. Objectifs principaux : trouver des solutions afin de généraliser le partage de la valeur à tous les salariés, optimiser l’articulation des différents dispositifs et orienter l’épargne salariale vers des investissements plus vertueux. Le 10 février 2023, les partenaires sociaux sont tombés d’accord sur une proposition, formalisée dans le cadre d’un Accord National Interprofessionnel (ANI). Proposition que le gouvernement s’est engagé à inscrire dans la Loi. Quels sont les premiers contours de cette proposition ? Et pourquoi l’épargne salariale s’impose naturellement comme l’outil idéal ?
Démocratiser (encore plus) l’épargne salariale
Rappelons-le, l’épargne salariale est l’outil parfait pour une répartition équitable de la valeur ajoutée. Plébiscitée aussi bien par les entreprises que par les salariés bénéficiaires, elle offre un outil flexible de partage de la valeur, permettant aux salariés de se constituer une épargne solide pour leurs projets importants. Outre sa fiscalité avantageuse, elle offre aux entreprises des leviers performants pour recruter, motiver, fidéliser et piloter la performance. C’est donc tout naturellement que la première mesure phare consiste en la démocratisation et une plus large diffusion de ces dispositifs.
Faciliter le partage de la valeur pour les entreprises de 11 à 49 salariés
Dès le premier janvier 2025, les entreprises de 11 à 49 salariés seraient tenues de mettre en place au moins un dispositif légal de partage de la valeur (participation, intéressement, prime de partage de la valeur, abondement à un PEE, PEI ou PER) dès lors qu’elles remplissent les conditions suivantes :
- être constituées sous forme de société,
- réaliser un bénéfice net fiscal positif au moins égal à 1% du chiffre d’affaires pendant 3 années consécutives (seraient alors prise en compte les années 2022, 2023 et 2024),
- ne pas être déjà couvertes par un dispositif de partage de la valeur (participation, intéressement, abondement à un PEE, PEI ou PER) au moment où la condition précisée à l’alinéa précédent est remplie.
Assouplir la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés
Pour faciliter la mise en place de la participation dans les entreprises de moins de 50 salariés, les organisations signataires demandent une modification du cadre légal. Les organisations d’employeurs et de salariés dans chaque branche professionnelle ouvriraient, avant le 30 juin 2024, une négociation visant à mettre à disposition des entreprises de moins de 50 salariés un dispositif de participation facultatif, dont la formule peut déroger à la formule de référence de la participation, dite « formule légale », et donner un résultat supérieur comme inférieur à celui de la formule légale. Donc moins de contraintes pour faciliter la mise en place du dispositif.
Utiliser les suppléments de participation et d'intéressement en cas de résultats exceptionnels
L'accord propose également d'obliger les entreprises de 50 salariés et plus,
- lorsqu’elles réalisent en France un résultat exceptionnel,
- sont pourvues d’au moins un délégué syndical,
- et sont soumises à l’obligation de mettre en place la participation,
de négocier, avant le 30 juin 2024 :
- le versement automatique d’un supplément de participation ou d’intéressement dont les modalités seraient définies par accord,
- ou le renvoi à une discussion vers le versement d’un dispositif de partage de la valeur.
Par exception, l’obligation de négociation ne serait pas applicable aux entreprises ayant mis en place une formule dérogatoire de participation plus favorable que la formule légale, et/ou un accord de participation ou d’intéressement intégrant une clause spécifique de prise en compte des résultats exceptionnels.
Connecter la Prime de Partage de Valeur (PPV) et l'épargne salariale
Les organisations signataires demandent la possibilité de placer la PPV dans un plan d’épargne entreprise et/ou d’épargne retraite lorsqu’il(s) existe(nt). Cette mesure permettrait aux salariés qui le souhaitent de verser tout ou partie de la prime de partage de la valeur dans un dispositif d’épargne salariale ou d’épargne retraite dans les mêmes conditions que pour le versement d’une prime d’intéressement. Les entreprises auraient la possibilité d’abonder le cas échéant selon les modalités en vigueur pour l’intéressement.
L'ANI évoque également la possibilité d'octroyer deux Primes de Partage de la Valeur chaque année dans la limite du plafond et du nombre de versements actuellement prévus. Enfin, les partenaires sociaux souhaitent, à compter du 1er janvier 2024, le maintien du régime fiscal et social en vigueur au 1er janvier 2023 pour les entreprises de moins de 50 salariés. Pour les entreprises de plus de 50 salariés, le cadre prévu par la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat serait maintenu.
Autres mesures souhaitées
- Assouplir les règles de franchissement de seuil de la participation en supprimant le report de 3 ans de la mise en place de la participation, en cas d’application d’un accord d’intéressement,
- Faciliter la mise en place des critères RSE dans les accords d’intéressement,
- Simplifier la procédure de révision du contenu des plans interentreprises (avenant entre les sociétés fondatrices et simple information des sociétés adhérentes).
Développer l'actionnariat salarié
Les signataires de l’accord constatent qu’il n’est pas toujours facile de mettre en place de l’actionnariat dans les PME et ETI non cotées et demandent la création d’un nouveau dispositif, le « plan de partage de la valorisation de l’entreprise ».
Il serait mis en place par accord collectif et bénéficierait à l’ensemble des salariés ayant au moins un an d’ancienneté. À l’issue d’une durée de trois ans, le salarié percevrait « le montant correspondant au pourcentage de valorisation de l’entreprise appliqué à un montant indicatif ». Cette somme pourrait être versée en plusieurs fois. Dans le cas d’entreprises non cotées, la valorisation de l’entreprise pourrait se faire notamment en fonction d’indicateurs de références (multiples d’EBITDA par exemple) négociés à la mise en place du plan.
Le dispositif bénéficierait des mêmes avantages sociaux, fiscaux. Les sommes versées pourraient être placées sur un dispositif d’épargne salariale comme les autres dispositifs de partage de la valeur. Il serait déductible fiscalement pour l’entreprise. L’administration serait sollicitée pour réaliser un bilan de la mise en œuvre du dispositif dans les trois ans suivant la signature de l’accord.
Parmi les autres mesures, nous pouvons noter :
- Favoriser les reprises d’entreprises par les salariés,
- Renforcer l’attractivité des FCPE d’actionnariat salarié dotés d’un effet de levier,
- Augmenter le plafond global d’attributions d’AGA, lorsque le plan est offert à tous les salariés.
Rendre l'épargne salariale encore plus vertueuse et utile
Outre ces nouvelles mesures visant à étendre les pouvoirs de l'épargne salariale, les organisations souhaitent également améliorer l'existant. Notamment en :
- Déplafonnant l’abondement unilatéral en place dans les PEE et les PER (aujourd’hui 2% du PASS soit environ 900 euros), à hauteur de la PPV (soit 3000 euros / 6000 euros si accord d'intéressement),
- Démocratisant l'épargne verte, solidaire et responsable avec l'obligation pour les gestionnaires de fonds de proposer dans chaque PEE/PER au moins deux fonds prenant en compte des critères extra financiers (ex : fonds labélisés ISR, Greenfin, Finansol, CIES, France relance),
- Créant 3 nouveaux cas de déblocage anticipé dans les PEE pour adapter l’épargne salariale aux nouveaux défis et permettre de faire face aux dépenses engagées. Exemple de cas cités : la rénovation énergétique de la résidence principale, le statut de proche aidant, l’acquisition d’un véhicule dit « propre » (neuf ou occasion).
Outre le salaire et les outils d’épargne salariale, le partage de la valeur dans l’entreprise se concrétise aussi par l’attribution d’avantages sociaux tels que les titres restaurants.
En complément, l’employeur finance intégralement ou participe au financement de dispositifs volontaires de protection sociale (surcomplémentaires retraite, régimes de prévoyance, services supplémentaires des complémentaires santé, etc.).